Quelques nouvelles après un long silence...
Bonjour à tous,
Me revoilà après trois semaines de silence. Je demande pardon à tous ceux qui m'ont écrit sans recevoir de réponse. Ce n'est pas que je néglige mes mails (au contraire), mais la rentrée est passée par là et j'ai beaucoup de travail. J'imagine que le travail est proportionnel au prix payé ;-)! Plus sérieusement, le premier jour de cours, on nous a fait acheter un reader de 500 pages, composé d'articles de toutes sortes mais en grande partie critiques, à lire avec un devoir à rendre dessus. Ouf... petit coup de déprim les premiers moments... Et puis on s'y fait: 200 pages de lectures en moyenne entre chaque cours avec deux papers à rendre dessus par semaine, ça ne chôme pas... En fait, je pense avoir tiré le gros lot. Lors d'une séance consacrée aux critical moments, les psychologues nous ont expliqués que cette classe était la plus complexe du college et que pour cette raison, il avaient pensé un moment l'interdire aux étudiants étrangers; ce n'est pas qu'ils ne les aiment pas (au contraire), mais le cours n'a strictement rien de classique. La composante majeure est le seminar, qui divise la classe en trois groupes de discussions qui débattent de façon critique des lectures du jour. La difficulté pour un étranger est que la classe contient 73 étudiants et donc chaque groupe près de 25 personnes... ah, c'est donc pour cela que je suis le seul étranger! J'ai compris! En fait, au début, y avait aussi un Suisse mais il a abandonné le cours. Bon, le cours en lui même fait 18 crédits horaires (la moyenne pour un quarter est de 15 crédits horaires, donc c'est à temps plein), 18 heures par semaine. Je n'ai que ce cours jusqu'au premier de l'an (notez que je l'ai librement choisi dans un catalogue qui donnait le tournis tellement il proposait de cours). C'est un cursus intégré et pluridisciplinaire (d'où sa qualité! Les ex-khâgneux ne me désapprouveront pas je pense). Trois professeurs (littérature, histoire et sociologie) enseignent simultanément. En fait, ils orientent plus qu'ils n'enseignent au sens classique du terme. Nous avons beaucoup de vidéos et toute activité est suivie d'un échange de vue critique sur le sujet. Sur ce plan, j'ai été abasourdi par la capacité analytique critique immédiate des jeunes Américains que les professeurs sont obligés de faire taire à regret au bout d'une heure pour une cassette d'une demi-heure, quand dans une classe française les professeurs tirent avec difficulté quelques remarques. Je pense que cela vient principalement du fait que l'enseignement secondaire américain est beaucoup moins cognitif et académique, et plus centré sur la réflexion critique. Cela se voit en cours: alors qu'ils réagissent tout de suite, j'ai besoin d'un laps de réflexion afin de construire ma pensée. Par contre, j'ai tout un vocabulaire technique et scientifique qu'ils n'ont pas. Je peux par exemple synthétiser leur pensée en un concept clef qui fera référence à un domaine de connaissances précis (merci la khâgne!). L'échange est passionnant... ils sont toujours intéressés par mon point de vue et moi par le leur... Le thème du cours est le Vietnam contemporain. On a donc commencé par lire des articles critiques d'historiens et quelques sources primaires (discours, etc.). Et, pour donner un exemple, un étudiant a pertinemment souligné l'analogie historique entre les deux pays colonisés que sont les Etats-Unis et le Vietnam. Là dessus, je suis intervenu pour lui dire qu'il avait malgré lui une lecture néo-coloniale de l'histoire, car si les WASP s'étaient battus contre l'emprise anglaise, ils n'avaient pas de passé sur le continent américain, alors que le peuple Vietnamien, lui, avait un héritage civilisationnel de plus d'un millier d'années... La comparaison était donc selon moi certes attirante, mais pas valide. Là dessus, un autre étudiant a souligné le fait que les WASP étaient eux-mêmes à l'origine d'un mouvement de colonisation intérieure du continent américain... etc. Cela représente 30 secondes sur 4 heures de seminars par semaine. C'est passionnant et prenant (pour moi particulièrement, j'ai l'impression que l'historiographie est une composante de ma vie quotidienne ici!). Au début, j'avais très peur et maintenant, j'attends ces séances ac impatience. La relation avec le corps enseignant et administratif n'est pas la même non plus. Nous les appelons par leur prénoms et ils ne mettent aucune distance entre les étudiants et eux. La notion de hiérarchie est très différente. L'humilité est aussi très largement répandue. Par exemple, je dépends de la prof d'histoire (quelle chance!) qui m'a demandé d'où je venais après avoir lu mon premier paper. Lorsque je lui ai dit mon niveau d'études, elle m'a répondu: "Oh, mais tu pourrais enseigner avec nous ici!". La diversité des étudiants est aussi une composante majeure de la réussite de ce cours: aussi bien des élèves tout fraîchement sortis du lycée que des étudiants comme moi ou des personnes de 45 ans désirant reprendre des études. Tout cela créé une synergie assez grisante puisque chacun apporte son expérience quelle qu'elle soit: académique dans mon cas, professionnelle dans d'autres, personnelle pour beaucoup qui ont vécu à l'étranger (tiens c'est aussi mon cas!). Ah une petite anecdote assez intéressante. Mercredi, nous sommes partis en excursion dans musée sur le Cambodge et les massacres perpétrés par les khmers rouges, organisé par un seul rescapé, dans une cave (c'était passionnant). Eh bien les professeurs, sachant que je n'ai pas de voiture, m'ont proposé de m'y emmener et de me ramener. Sur le chemin du retour, on s'est arrêtés sur le campus sud (je suis au campus central) parce que Bob, le professeur de littérature, est rattaché au campus sud, et effectue un "échange" au campus central. Bref, les trois professeurs m'ont fait visiter le campus, le bureau de Bob avec toutes ses photos et reproductions (il a bon goût en peinture!), avant de m'inviter au restaurant! Oui, rien de moins... Ils m'ont chaleureusement remercié de ma précieuse participation en classe qui, du fait de mes racines différentes, apporte beaucoup à la classe... enfin, de quoi fait éclater mes chevilles... après cela, ils m'ont fait amener dans les cuisines où ils savaient que l'académie culinaire (il existe une excellente cuisine américaine, pour détruire les préjugés stupides de beaucoup de gens) avait acheté en France un énorme four que le chef m'a montré. J'ai ensuite fait la connaissance de la directrice du campus... Après cela, nous avons ramené Tracy (ma prof d'histoire) chez elle, puis nous Cynthia et Bob m'ont fait faire un tour de Seattle en voiture avant de me ramener. J'avoue qu'à la troisième semaine de cours, j'étais un peu désorienté! Bonne nouvelle également: pour mon service learning (sorte de stage), je crois que j'ai réussi à me faire embaucher par l'agence consulaire de France à Seattle. Pour un futur diplomate, c'est particulièrement intéressant! Pour ce qui est des notes, pour l'instant, je séduis Tracy avec mon expérience d'historien! Donc deux 100% (donc A+) et un 95% (A-). Espérons que ça continue ainsi! Voilà, je pourrai continuer des heures ms je vais synthétiser ma pensée en disant que jusqu'à maintenant, je suis pleinement satisfait de mon choix. Ce cours est particulièrement bon, et que tous ne sont peut-être pas comme ça.
Quant à Seattle, je m'y plais, mais cela n'est pas nouveau. Le matin, pour palier à mes petits moments nostalgiques, je prends un petit déjeuner dans un café nommé "Le Pichet" qui est très français. C'est rigolo, tout y est en français, que ce soit les menus, la musique ou la décoration, typique d'un bistro parisien. J'ai aussi trouvé du bon saucisson! J'ai donc tout ce qu'il me faut: du bon pain, du bon vin et du saucisson... que demande le peuple! Elodie descend sur Seattle ou je monte sur Vancouver à intervalles réguliers. J'ai des photos superbes, mais j'avoue que je n'ai pas beaucoup de mérite, c'est trop facile ici! Je travaille souvent dans la nouvelle bibliothèque qui est surprenante par tout ce qu'elle offre, tant sur le plan architectural que pr ses collections (www.spl.org). Hier soir, je suis allé à une soirée d'un doctorant en planification urbaine, un ami du copain de ma tante Heather, qui revenait de cinq semaines en Sibérie qu'il avait sillonné en vélo. Et sa destination universitaire? Krasnoïarsk... ouh, les souvenirs ont afflué à moi et m'ont submergé comme une tempête de sable déferle sur les étendues désertiques... c'était délicieux et un peu douloureux à la fois. Il avait même rapporté de la vodka russe, de la vraie bonne vodka.
Bon, je vais m'arrêter pour cette fois. Les prochaines fois, j'essaierai de vous parler un peu de Seattle et des environs et un peu moins de l'école!
Pierre_
PS. Petite note très prosaïque pour terminer: j'ai oublié de mentionner la dernière fois que tout appel reçu sur mon portable le week-end, ne me débite pas le forfait.
Enfin, je vous prie d'excuser le style télégraphique de mes mails, mais il y a beaucoup à dire et pas beaucoup de temps pour le faire!
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